La Grève |
Au secours ! vaincre est nécessaire. Les mineurs sonnent le tocsin, Saignons à blanc notre misère, On fait grève au bassin d'Anzin. Faire triompher cette grève, Compagnons, c'est le grand devoir ! Partout où l'exploité se lève, A ses côtés il doit nous voir. Aux combattants il faut des vivres Nous, leurs copains, nous, ventres creux, Sur chaque pain de quatre livres Tirons une miche pour eux ! Ces hommes arrachant la houille, Forçats dont le bagne fait peur, Sans eux, croyez-vous qu'elle bouille, La grande industrie à vapeur ? S'ils croisent, noirs sur leur poitrine, Leurs bras musculeux et poilus, Nous croyons stopper la machine, Le coeur du travail ne bat plus ! Les familles sont dans les larmes, Duel social bien avivé ; Ce tocsin de feu crie : Aux armes ! Tout le bassin est soulevé. Sous les attaques féodales, Le serf aura-t-il le dessous ? Compagnons, nous fondons des balles Quand nous leur portons nos gros sous ! Des balles pour la haute pègre Qui, n'ayant nul droit au sous-sol, Ose traiter en race nègre Ceux-là qu'à dépouillés son vol Plomb pour la race massacrante Qui, sans vergogne du total, Tous les ans touche comme rente, Quinze ou vingt fois son capital. Oh ! ces mangeurs de chair humaine, Leur avarice est un défi. Mais la Terre est donc leur domaine ? Ils n'ont qu'un Dieu, le dieu Profit. L'homme fond dans leur main rapace. Tous les épuisés, les vieillards, Chassés, réduits à la besace, Ils leur ont sué des milliards ! Grands seigneurs de la banqueroute, Porteurs d'actions, hobereaux, Voleurs ! vous vous croyez sans doute Le droit de devenir bourreaux ? Malheur ! voir au siècle où nous sommes, Le capitaliste aigrefin. Dresser ainsi pour dix mille hommes La guillotine de la faim ! Tant d'horreurs ne seront pas vaines ; La souffrance enfante toujours ! Nous sentons courir dans nos veines Le frisson brûlant des grands jours ; Aux faubourgs, la pâle famine Soulève un vivant ouragan ; Et du ventre noir de la mine Il sort des laves de volcan ! Au secours ! vaincre est nécessaire Les mineurs sonnent le tocsin, Saignons à blanc notre misère, On fait grève au bassin d'Anzin ! Mars 1884. |