Une sorcière comme les autres |
S'il vous plaît, soyez comme le duvet Soyez comme la plume d'oie des oreillers d'autrefois. J'aimerais ne pas être portefait S'il vous plaît, faites-vous léger, moi, je ne peux plus bouger. Je vous ai porté vivant, je vous ai porté enfant. Dieu, comme vous étiez lourds, pesant votre poids d'amour. Je vous ai porté encore à l'heure de votre mort. Je vous ai porté des fleurs, vous ai morcelé mon coeur. Quand vous jouiez à la guerre, moi, je gardais la maison. J'ai usé de mes prières les barreaux de vos prisons Quand vous mouriez sous les bombes, je vous cherchais en hurlant. Me voilà comme une tombe et tout le malheur dedans. Ce n'est que moi, c'est elle ou moi, Celle qui prie ou qui se tait, Celle qui pleure ou qui est gaie. C'est Jeanne d'Arc ou bien Margot, Fille de vague ou de ruisseau. C'est mon cœur ou bien le leur. Et c'est la sœur ou l'inconnue, Celle qui n'est jamais venue, Celle qui est venue trop tard, Fille de rêve ou de hasard. Et c'est ma mère ou la vôtre Une sorcière comme les autres. Il vous faut être comme le ruisseau, Comme l'eau claire de l'étang, qui reflète et qui attend S'il vous plaît, regardez-moi, je suis vraie. Je vous prie, ne m'inventez pas, vous l'avez tant fait déjà Vous m'avez aimée servante, m'avez 'voulue ignorante. Forte vous me combattiez, faible vous me méprisiez Vous m'avez aimée putain et couverte de satin. Vous m'avez faite statue, et toujours je me suis tue. Quand j'étais vieille et trop laide, vous me jetiez au rebut Vous me refusiez votre aide, quand je ne vous servais plus. Quand j’étais belle et soumise, vous m’adoriez à genoux. Me voilà comme une église et toute la honte dessous. Ce n'est que moi, c'est elle ou moi, Celle qui aime ou n'aime pas, Celle qui règne ou se débat C'est Joséphine ou la Dupont Fille de nacre ou de coton. Mais c'est mon coeur ou bien le leur Celle qui attend sur le port, Celle des monuments aux morts, Celle qui danse et qui en meurt, Fille bitume ou fille fleur Et c’est ma mère ou la vôtre, Une sorcière comme les autres. S'il vous plaît, soyez comme je vous ai... Vous ai rêvés depuis longtemps, libre et fort comme le vent. Libre aussi, regardez, je suis ainsi. Apprenez-moi, n'ayez pas peur; pour moi je vous connais par coeur. J’étais celle qui attend, mais je peux marcher devant J'étais la bûche et le feu, l'incendie aussi je peux. J'étais la déesse mère, mais je n'étais que poussière. J'étais le sol sous vos pas, et je ne le savais pas. Mais un jour la terre s'ouvre, et le volcan n'en peut plus. Le sol, se rompant, découvre des richesses inconnues. La mer à son tour divague de violences inemployées,. Me voilà comme une vague, vous ne serez pas noyés. Ce n'est que moi, c'est elle ou moi. Et c'est l’ancêtre ou c'est l’enfant Celle qui cède ou se défend C'est Gabrielle ou bien Neva Fille d'amour ou de combat Et c'est mon cœur ou bien le leur Celle qui est dans son printemps Celle que personne n'attend Et c'est la moche et c'est la belle, Fille brume ou de plein ciel Et c'est ma mère ou bien la vôtre, Une sorcière comme les autres. S'il vous plaît, s'il vous plaît, faites vous légers Moi, je ne peux plus bouger. |