Comme Emilie, Marie ou Jeanne
Paroles et musique : Andrée Simons

Comme Émilie, Marie ou Jeanne
J’étais née pour faire des petits
Dans le silence qui condamne
Et la misère d’un taudis
Fille de prolo et de manouche
J’ai compris un jour bêtement
Que j’étais de la même souche
Que des millions de pauvres gens.

Que si, par miracle, mon père
Est sorti vivant de Dachau
Il allait de toute manière
Tôt ou tard y laisser sa peau
Que quand maman pour faire face
A la disette sans soupir
A ouvert un hôtel de passe
Ce n’était pas pour le plaisir.

Je ne me plains pas je raconte
Simplement ce qui s’est passé
Et comment j’ai appris la honte
Quand sans l’amour j’ai accepté
Le poids de son corps sur moi
Et l’immense orgueil de la haine
Quand il ne vous reste que ça.

On m’a bouclée pour une bêtise
Le neuf novembre soixante trois
Dans un hôpital qui maîtrise
Tous ceux qui demadent pourquoi
J’y ai connu des camarades
Et si je suis sortie du trou
Pour monter sur les barricades

C’est avec eux c’est grâce à vous.
Depuis longtemps homme et femme
Nous tenons le même défi
Contre tous ceux qui ne réclament
Que notre perte à leur profit
Toujours debout toujours tenace
Vous m’avez dit, je m’en souviens
Que de céder à la menace
N’avait jamais servi à rien.

C’est pourquoi aujourd’hui, je tremble
Quand je vous entends ricaner
Dès que vous nous voyez ensemble
Lui et moi tendrement serrés
Comme si j’étais la Thérèse
D’un Moyen Age de faubourg
Soumise au devoir de la baise
Et indigne du droit d’amour.

Malgré le beigne et les blessures
Toujours on a tenu le coup
Je m’attendais à des injures
De n’importe qui, pas de vous
Je ne veux pas qu’on en revienne
A des querelles d’Allemands
Mais si je n’étais qu’une chienne
Il fallait me le dire avant.

Quand on a vécu en cellule
Sous l’œil d’un flic aveugle et sourd
Même si on prend la pilule
On n’aime pas tous les huit jours
La liberté c’est pas de faire
Des parties fines tous les soirs
C’est vivre sans propriétaire
Avec tendresse et désespoir

Tout cela dit quoi qu’il arrive
Même si vous me balancez
De l’autre côté de la rive
Je n’irai pas le répéter
J’aurai même pas de mérite
Puisqu’il me tiendra la main
Et que même si on se quitte
Au fond ça ne changera rien.