Comme Emilie, Marie ou Jeanne |
Comme Émilie, Marie ou Jeanne J’étais née pour faire des petits Dans le silence qui condamne Et la misère d’un taudis Fille de prolo et de manouche J’ai compris un jour bêtement Que j’étais de la même souche Que des millions de pauvres gens. Que si, par miracle, mon père Est sorti vivant de Dachau Il allait de toute manière Tôt ou tard y laisser sa peau Que quand maman pour faire face A la disette sans soupir A ouvert un hôtel de passe Ce n’était pas pour le plaisir. Je ne me plains pas je raconte Simplement ce qui s’est passé Et comment j’ai appris la honte Quand sans l’amour j’ai accepté Le poids de son corps sur moi Et l’immense orgueil de la haine Quand il ne vous reste que ça. On m’a bouclée pour une bêtise Le neuf novembre soixante trois Dans un hôpital qui maîtrise Tous ceux qui demadent pourquoi J’y ai connu des camarades Et si je suis sortie du trou Pour monter sur les barricades C’est avec eux c’est grâce à vous. Depuis longtemps homme et femme Nous tenons le même défi Contre tous ceux qui ne réclament Que notre perte à leur profit Toujours debout toujours tenace Vous m’avez dit, je m’en souviens Que de céder à la menace N’avait jamais servi à rien. C’est pourquoi aujourd’hui, je tremble Quand je vous entends ricaner Dès que vous nous voyez ensemble Lui et moi tendrement serrés Comme si j’étais la Thérèse D’un Moyen Age de faubourg Soumise au devoir de la baise Et indigne du droit d’amour. Malgré le beigne et les blessures Toujours on a tenu le coup Je m’attendais à des injures De n’importe qui, pas de vous Je ne veux pas qu’on en revienne A des querelles d’Allemands Mais si je n’étais qu’une chienne Il fallait me le dire avant. Quand on a vécu en cellule Sous l’œil d’un flic aveugle et sourd Même si on prend la pilule On n’aime pas tous les huit jours La liberté c’est pas de faire Des parties fines tous les soirs C’est vivre sans propriétaire Avec tendresse et désespoir Tout cela dit quoi qu’il arrive Même si vous me balancez De l’autre côté de la rive Je n’irai pas le répéter J’aurai même pas de mérite Puisqu’il me tiendra la main Et que même si on se quitte Au fond ça ne changera rien. |